La liberté d'exploitation : Le concept économique le plus important dont vous n'avez jamais entendu parler

19 septembre 2023

Par Laurent Carbonneau

Il y a eu récemment (et à juste titre) beaucoup de lamentations et de grincements de dents sur l'état inquiétant des indicateurs économiques sous-jacents du Canada, tels que la croissance de la productivité, et sur ce que cela signifie pour notre niveau de vie.

Alors que nous reprenons le cours des choses ici à Mooseworks, j'ai pensé qu'il serait utile de faire un petit zoom arrière et d'examiner un obstacle critique à l'échelle des entreprises les plus productives et les plus novatrices du Canada.

Dans les années 1980, le Canada a connu une grande "élection du libre-échange" que le libre-échange a fini par remporter haut la main. Peu après, la guerre froide s'est achevée par une victoire décisive du capitalisme, et le passage à l'économie de la connaissance s'est accéléré avec l'avènement de l'accès généralisé aux ordinateurs et à l'internet.

La politique économique canadienne s'est éloignée du protectionnisme national et s'est orientée vers l'intégration dans les marchés internationaux. Même si la politique industrielle fait un retour en force dans le domaine des énergies propres et d'autres subventions, les barrières tarifaires ne reviendront pas.

Il en découle quelques conclusions pour les décideurs politiques. Tout d'abord, les entreprises canadiennes innovantes doivent être compétitives au niveau mondial dès le premier jour. Dans un monde post-ALENA, AECG, CUSMA et CPTPP, personne ne peut se contenter de rester dans la partie peu profonde de la piscine jusqu'à ce qu'il se sente prêt à aller plus loin.

Deuxièmement, une politique microéconomique intelligente et ciblée est a) obligatoire et b) doit se concentrer sur les domaines où la valeur est réellement créée dans l'économie moderne et où la productivité peut être augmentée. Les efforts de l'État sont essentiels dans un monde de subventions concurrentielles pour la recherche, le développement de la main-d'œuvre et le soutien aux entreprises. Mais, et cela est d'autant plus vrai que les taux d'intérêt ont grimpé, nous ne pouvons pas nous permettre de les gaspiller dans des stratégies qui ne fonctionnent pas.

Où se crée donc la valeur ? Comme nous l'avons évoqué dans un précédent Mooseworks, la réponse réside de plus en plus dans les actifs immatériels tels que la propriété intellectuelle, qui représentent collectivement 40 % de la part des investissements mondiaux selon une étude de McKinsey, et 90 % de la valeur des entreprises du S&P 500.

Ce qu'il faut bien comprendre à propos des biens incorporels, c'est qu'il s'agit d'un droit négatif. Posséder des biens matériels est un droit positif ; vous êtes autorisé à faire des choses avec ce que vous possédez. Dans le cas des actifs incorporels, il s'agit essentiellement de droits qui vous permettent d'interdire légalement à d'autres de faire quelque chose.

C'est pourquoi la liberté d'exploitation est un concept si important pour les décideurs politiques canadiens. La liberté d'exploitation est la capacité de continuer à se développer dans un secteur sans porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle d'autrui ni payer des droits de licence élevés. Lorsqu'une start-up ou une grande entreprise canadienne cherche à s'étendre sur un marché, elle doit être consciente du paysage de la propriété intellectuelle, faute de quoi elle pourrait se voir interdire, légalement, de développer de nouveaux produits et services - en particulier des services concurrents - parce que d'autres ont revendiqué les droits de propriété intellectuelle dans cet espace.

C'est particulièrement vrai dans des domaines tels que la technologie et les télécommunications, où d'importants "fourrés" se sont développés autour des portefeuilles de brevets interconnectés des principaux acteurs, créant ainsi une barrière supplémentaire à l'entrée pour les entreprises plus petites. Dans une métaphore délicieusement appropriée de la fiction fantastique, les fourrés abritent également de dangereux trolls - un nom commun pour les entités non pratiquantes, ou les entreprises qui possèdent des portefeuilles de brevets sans chercher à les commercialiser elles-mêmes et qui cherchent plutôt à tirer des revenus d'accords de licence ou de règlements judiciaires pour infraction - des loyers, ou des péages de pont.

Les entreprises canadiennes doivent pouvoir compter sur un gouvernement fort et avisé lorsqu'elles exportent sur d'autres marchés et en créent de nouveaux. Le manque d'attention historique à cette dimension de la concurrence a créé ce que les chercheurs canadiens Nancy Gallini et Aidan Hollis appellent le dilemme "vendre ou augmenter la taille" - lorsque les entreprises canadiennes deviennent plus grandes, la décision rationnelle est souvent de les vendre car elles n'ont pas la liberté d'exploitation qui leur permettrait de commercialiser leurs innovations sur de grands marchés comme les États-Unis.

Le fait que les fonds publics consacrés à l'éducation, à la recherche et au soutien des entreprises en phase de démarrage ne se concentrent pas assez souvent sur la propriété des actifs incorporels et sur la création d'entreprises canadiennes fortes et compétitives à l'échelle mondiale constitue un échec majeur de la politique d'innovation du Canada. Au lieu de cela, il crée des opportunités pour les entreprises américaines d'acquérir des actifs canadiens précieux à une fraction de leur valeur potentielle lorsqu'elles finissent par être empêchées de participer à de grands marchés.

Le renforcement de la liberté d'entreprise au Canada commence par une attention particulière à la propriété de la propriété intellectuelle. En outre, le contrôle des données est vraiment une question cruciale pour l'accès au marché et l'amélioration de ce contrôle devrait être une priorité absolue. Le financement de l'Innovation Asset Collective, dont le mandat est de renforcer la liberté d'entreprise dans le secteur canadien des technologies propres, a été un début très encourageant. Les politiques annoncées à l'horizon, comme l'orientation vers la PI de la Société canadienne d'innovation, aideront, espérons-le, les entreprises en phase de démarrage à se positionner avec plus de succès en vue de leur croissance.

Il est grand temps que les gouvernements reconnaissent à quel point il est essentiel de bien faire les choses.

Mooseworks est la série sur les politiques d'innovation du Conseil canadien des innovateurs. Pour recevoir des articles comme celui-ci dans votre boîte de réception deux fois par mois, inscrivez-vous à la lettre d'information du CCI ici.

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