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Quelle vision à long terme pour l’économie québécoise? Retour sur la dernière session parlementaire
June 13, 2025
Par Jean-François Harvey,
Directeur pour le Québec du CCI
En analysant les derniers mois en politique québécoise, il est clair que le Québec ne va pas dans la bonne direction. Le PIB a légèrement reculé en février et la côte de crédit de la province a été a abaissée de AA- à A+. La dernière décote du Québec remontait à plus de 30 ans. L’économie québécoise a désespérément besoin d’une vision et d’une stratégie ambitieuse, qui met l’innovation au cœur des priorités.
À cet égard, le budget 2025 représentait un pas dans la bonne direction. Nous avons notamment salué les réformes apportées au régime fiscal ainsi que les ajustements réglementaires visant à rendre certains programmes plus avantageux pour les entreprises dont le siège social est établi au Québec. Ces mesures sont toutefois condamnées à demeurer un coup d’épée dans l’eau si elles ne s’intègrent pas dans une stratégie économique plus large. On sait que le premier ministre François Legault s’est donné comme objectif de rattraper l’écart économique avec l’Ontario. Son gouvernement n’a jamais caché ses valeurs nationalistes, qu’il a souvent mises de l’avant au cours de son mandat. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre la logique de certaines décisions qui semblent privilégier les intérêts de multinationales étrangères au détriment des priorités économiques du Québec.
Voici quelques exemples où les bottines du gouvernement ne suivent pas les babines.
Le nationalisme est-il incompatible avec le développement économique?
La défense de la langue française au Québec est extrêmement importante. Et il est tout à fait possible de la concilier avec une forte création de richesse. De la même façon, une stratégie économique résolument nationaliste n’est pas vouée à l’échec. Plusieurs pays ont adopté de telles approches avec beaucoup de succès. Le problème, c’est que ce gouvernement tend à abandonner cette approche dès qu’il s’agit de grands projets. Les exemples sont nombreux :
- Le projet SAAQClic, entaché de dépassements de coûts, mené en grande partie par LGS, une filiale du géant américain IBM.
- Le projet Northvolt, plus important investissement privé de l’histoire du Québec, ou l’on a déroulé le tapis rouge à une jeune pousse suédoise, sans égards à la compétition locale.
- Le dossier santé numérique, ou l’on semble vouloir tout mettre nos oeufs dans le panier d’Epic Systems, une autre multinationale américaine.
De plus, le projet de loi 14, qui vise à renforcer la protection et la promotion du français au Québec, continue de créer de l’incertitude dans la province. Plusieurs dispositions de ce projet de loi entreront en vigueur cet été, alors que de nombreux entrepreneurs ne comprennent toujours pas clairement ses implications. Pourquoi a-t-on l’impression que la protection de la langue et le développement économique sont traités comme des priorités concurrentes, plutôt que comme des objectifs pouvant être poursuivis conjointement ? Pour un gouvernement qui s’est engagé à réduire l’écart économique avec l’Ontario, cette approche est pour le moins déconcertante.
Un gouvernement qui cherche à faire diversion?
Comme nous l’avons souligné plus tôt dans ce texte, plusieurs indicateurs économiques montrent que le Québec s’engage dans la mauvaise direction. L’État-providence québécois est sous pression et doit être repensé.
Pendant ce temps, le gouvernement a décidé de s’attaquer à la rémunération des médecins. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a suggéré que les médecins étaient en grande partie responsables des problèmes du système de santé québécois et qu’ils n’étaient pas suffisamment disponibles pour leurs patients. Je ne commenterai pas si cette approche est justifiée ou non, mais compte tenu du moment choisi et de la position actuelle du gouvernement, cela ressemble davantage à une stratégie politique visant à détourner l’attention d’autres enjeux plus urgents.
Le gouvernement Legault a accompli plusieurs choses positives pour les innovateurs québécois depuis le début de son mandat. Il a fait preuve d’ambition et a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de placer les intérêts du Québec en priorité. Cependant, il semble incapable de maintenir une ligne cohérente, comme l’illustrent les exemples mentionnés ci-dessus. Et nous n’avons même pas encore abordé la stratégie d’approvisionnement du Québec, qui continue de compliquer l’entrée des jeunes entreprises locales dans le processus d’approvisionnement, comparativement aux multinationales étrangères.
Si le premier ministre veut combler l’écart avec l’Ontario, il doit repenser la manière dont la croissance économique peut être générée. Ce ne sera pas par de légères modifications fiscales ou des investissements étrangers tape-à-l’œil. Cela passera par la capacité des entreprises québécoises à bâtir des sociétés compétitives à l’échelle mondiale, qui garderont leur siège social ici, paieront leurs impôts ici et créeront de bons emplois ici. Cela exige une stratégie claire pour soutenir la commercialisation, réduire les obstacles à l’approvisionnement local et établir des partenariats à long terme avec les leaders de l’innovation québécoise.
L’innovation et la croissance de la productivité sont essentielles à cet objectif. Sans elles, l’économie restera coincée dans un mode de faible croissance — dépendante des subventions et vulnérable aux pressions extérieures. Le Québec possède le talent et l’ambition; ce qui manque, c’est un environnement politique conçu pour aider les entreprises à prendre de l’expansion.
Nous avons tracé une feuille de route dans Un mandat pour innover, avec des propositions concrètes que le gouvernement peut mettre en place — à commencer par faire de l’approvisionnement un moteur d’innovation et de force économique.
Les innovateurs québécois sont prêts à contribuer à l’effort collectif — reste à voir si le gouvernement est prêt à collaborer avec eux.
À propos du Conseil canadien des innovateurs
Le Conseil canadien des innovateurs (CCI) est un regroupement national d’entreprises qui travaille à changer la façon dont les gouvernements du pays soutiennent l’innovation. Son but : aider les entreprises canadiennes à grandir et à prospérer ici, au Canada. Le CCI représente plus de 150 des entreprises technologiques qui connaissent la plus forte croissance au pays. Ses membres sont des PDG, des fondateurs et des dirigeants d’entreprises qui se distinguent dans des secteurs comme la santé, les technologies propres, les finances, la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Nous défendons des politiques qui facilitent l’accès à des talents qualifiés, à du financement stratégique et à de nouveaux clients — des éléments essentiels pour faire grandir l’innovation canadienne.
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