Les normes : La couche invisible de la gouvernance

23 octobre 2023

Par Laurent Carbonneau

Lorsque vous branchez votre téléphone, il s'allume et commence à se recharger. Cela fait partie de la texture de la vie moderne, une chose si banale que nous n'y pensons même pas. Mais ce qui est le plus intéressant, c'est ce qui ne se passe pas : la prise murale ne s'enflamme pas et votre téléphone ne fond pas en une flaque de gelée brûlante.

Ce n'est pas parce que nous avons une loi sur la fabrication de chargeurs de téléphone qui ne déclenchent pas d'incendies électriques et un ensemble de réglementations complexes qui l'accompagnent. Nous avons plutôt - pour ne prendre qu'un exemple - la loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, qui interdit les produits présentant un "danger pour la santé ou la sécurité humaines".

Il s'agit toutefois d'une interdiction assez large et d'une cible en constante évolution. Comment un appareil réglementaire pourrait-il suivre cette évolution ?

La réponse courte est que non. Au contraire, elles s'appuient fortement non pas sur la loi ou la réglementation, mais sur la troisième couche de gouvernance qui est pratiquement invisible pour les décideurs politiques au Parlement : les normes.

Les normes sont profondément ancrées dans la garantie des éléments de base de la modernité que nous considérons comme acquis, tels que des biens de consommation sûrs et fiables. Au plus profond des entrailles de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation une partie de la loi stipule que le ministre peut établir un large éventail de règlements, mais la loi stipule également que le ministre peut " incorporer par référence". Cela signifie que le gouvernement peut essentiellement adopter des documents produits par d'autres organisations, y compris des organismes de normalisation.

Les entreprises sont fortement incitées à adopter l'interopérabilité et la compatibilité - la sécurité en est une, bien sûr, mais des normes telles que Bluetooth, USB et HDMI, qui rendent la vie plus facile et plus pratique, sont devenues des noms familiers à part entière. Les organisations sectorielles rassemblent donc des experts techniques, des entreprises, des parties prenantes d'intérêt public et des gouvernements pour créer des règles qui conduisent à des téléphones qui ne fondent pas et à des prises murales qui ne prennent pas feu, à l'instar des codes de sécurité électrique.

Les gouvernements peuvent certes engager des experts techniques et réglementaires, mais il leur serait extrêmement difficile de le faire dans tous les domaines à la fois. L'avantage, comme nous l'avons vu, c'est qu'ils n'ont pas à le faire.

Malgré l'accélération du rythme des changements dans différentes familles de technologies, de la conception des semi-conducteurs à l'intelligence artificielle, les organismes de normalisation travaillent d'arrache-pied pour créer et actualiser d'innombrables normes qui garantissent la qualité et la sécurité des personnes.

Ainsi, l'adoption de normes peut libérer la capacité du gouvernement à se concentrer sur des priorités importantes et permettre aux innovateurs de bénéficier d'un certain degré de certitude réglementaire, tout en offrant la possibilité de créer des technologies fondamentales, des technologies de base sur lesquelles s'appuient de nombreuses autres entreprises. Le public peut-il se fier à un système aussi pratique ?

Au Canada, les organismes d'élaboration de normes sont supervisés par le Conseil canadien des normes, une société d'État qui relève du ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie. L'élaboration des normes est un processus régi par des règles et qui, en termes de transparence et d'ouverture, est certainement aussi bon que le processus réglementaire lui-même. Les normes sont également régulièrement mises à jour et, si elles ne le sont pas, elles "expirent" au bout de quelques années. Le respect de nombreuses normes fait également l'objet d'audits réguliers.

Dans notre série Mooseworks Hot AI Summer, ainsi que dans notre feuille de route pour un leadership responsable en matière d'IA, nous avons évoqué le fait que la reconnaissance des normes peut être un moyen puissant et flexible pour les gouvernements de tirer parti de processus indépendants et ascendants, un outil dont les gouvernements devraient chercher à tirer parti plus souvent et dans davantage de domaines.

Cet été, le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI) a publié un excellent article de Michel Girard sur l'utilisation plus large des normes comme outil de gouvernance numérique. L'idée est excellente. Avec un peu de rationalisation législative, nous pourrions faire en sorte qu'il soit plus facile pour le gouvernement de reconnaître les normes comme un complément ou une alternative aux réglementations prescriptives.

En substance, M. Girard propose que le gouvernement reconnaisse les normes comme des équivalents juridiques des réglementations. Bien utilisée, cette mesure pourrait faire gagner beaucoup de temps et d'énergie aux régulateurs et leur permettre de se concentrer sur les domaines où ils apportent le plus de valeur ajoutée. En même temps, cela donnerait beaucoup de certitude aux innovateurs et les inciterait à établir un consensus de manière constructive et proactive avec les parties prenantes de l'intérêt public et du gouvernement.

Alors que le Parlement reprend ses travaux, avec un ordre du jour chargé de questions complexes liées à l'économie numérique, les décideurs politiques devraient réfléchir sérieusement à la possibilité d'utiliser les normes comme un moyen sérieux d'innovation réglementaire et de donner à la couche invisible la place qui lui revient.

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